lundi 18 avril 2011

Les 30 propositions du PS : combien ça vaut ? (propositions 8 à 16)

Le PS a publié ses "30 propositions" en vue de la présidentielle de 2012.

Chaque proposition est notée sur une échelle de 0 à 10. Chaque note est accompagnée de commentaires.

(propositions précédentes) (propositions suivantes)
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"8. Pour encourager les comportements écologiques, nous rendrons la TVA « éco-modulable » (diminuée sur les produits non-polluants et augmentée sur les produits polluants)."
Note : 7/10

Pour. Le principe du bonus-malus écologique est a priori un bon moyen pour orienter la consommation vers les produits les moins polluants.

Contre. Il faudra préalablement évaluer les conséquences de la mesure pour les consommateurs en fonction de leur niveau de revenu, et en particulier s'assurer qu'elle ne conduit pas pénaliser les plus bas revenus.
Les critères de détermination des produits les plus polluants seront certainement difficiles à définir de façon transparente et consensuelle.

Il faudra assurer une neutralité fiscale globale pérenne, i.e. éviter que le dispositif ne se traduise par une diminution des recettes fiscales qu'il faudrait ensuite compenser par ailleurs.

Conclusion. Cela semble a priori une bonne idée, mais attention aux conséquences.
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"9. Pour que notre alimentation soit plus saine et pour que les agriculteurs vivent de leur travail, nous orienterons les achats alimentaires des collectivités locales vers l’agriculture et la pêche de proximité (lait et laitages, viandes, fruits et légumes)."
Note : 5/10

Pour. Soutenir l'activité des agriculteurs et des pêcheurs français part d'un bon sentiment. Privilégier les productions locales à prix et qualité équivalents se justifie notamment par des considérations environnementales (moins de transport).

Contre. Si cela conduit à faire payer plus cher les collectivités concernées, c'est une charge pour les contribuables, ou des économies à faire par ailleurs.

Cela risque de se traduire par une forme de protectionnisme déguisé, et/ou de subvention déguisée.

Est-on vraiment sûr que les productions "de proximité" soient plus saines que les autres ?

Conclusion. Oui à condition que la "préférence locale" ne s'applique qu'à prix et qualité égaux, et pourquoi pas et en prenant en compte des critères de "qualité environnementale" des productions.
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"10. Pour sortir de la dépendance du nucléaire et du pétrole, nous développerons massivement les économies d’énergie et les énergies renouvelables et nous proposerons à nos partenaires la mise en place d’une Communauté européenne des énergies."
Note : 6/10

Pour. Réduire notre dépendance au pétrole et au nucléaire est a priori une bonne intention. Le développement des énergies renouvelables est en principe souhaitable. Une coordination européenne accrue en matière d'énergie est également souhaitable.

Contre. Un développement accéléré des énergies renouvelables, à supposer qu'il soit possible, aurait un coût très élevé pour les contribuables : leur demandera-t-on s'ils sont prêts à payer pour cela, en leur disant précisément combien ça va leur coûter ?

Attention à la puissance des lobbys des renouvelables, au moins aussi actifs que ceux du pétrole ou du nucléaire, et plus dangereux pour les contribuables car les industries du renouvelable prospèrent en grande partie grâce aux subventions publiques.

Conclusion. Intention louable, à condition que le coût pour la collectivité soit raisonnable et clairement évalué et expliqué. Pour une analyse plus développée de la problématique du nucléaire et des énergies renouvelables, voir ici.
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"11. Pour alléger la facture énergétique des Français, nous réinvestirons une partie des superprofits des groupes pétroliers dans des aides à l’isolation, le développement des énergies renouvelables et la mise en place de tarifs sociaux pour le gaz et l’électricité."
Note : 7/10

Pour. Des aides publiques aux investissements dans les économies d'énergie sont justifiées, à condition qu'elles génèrent réellement des économies durables et en rapport avec le niveau des aides fournies.
Le subventionnement public des énergies renouvelables se justifie à condition qu'il soit d'un niveau raisonnable, transparent et géré de façon pertinente (cf. proposition 10).

Qu'une part des bénéfices des entreprises pétrolières soit prélevée pour subventionner les économies d'énergie ou le développement des énergies renouvelables n'est pas choquant. Que les groupes énergétiques français contribuent à la solidarité nationale en finançant des "tarifs sociaux" de l'énergie n'est pas illégitime.

Contre. D'une façon générale, des prélèvements excessifs sur les grands groupes industriels dans un pays, quel qu'il soit, conduit ces groupes à réduire leurs investissements dans les pays concernés et à privilégier le reste du monde pour leur développement.

Conclusion. Oui à condition que ces prélèvements restent d'un niveau raisonnable et sous réserve d'une utilisation judicieuse des montants prélevés.
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"12. Pour stopper l’envolée des loyers, nous plafonnerons leur montant lors de la première location ou à la relocation, notamment dans les zones de spéculation immobilière."
Note : 5/10

Pour. L'augmentation excessive des loyers pénalise en premier lieu les personnes les plus vulnérables : un plafonnement des loyers peut donc avoir un effet positif à court terme.

Des dispositifs visant à limiter l'augmentation des loyers sont sans doute préférables aux dispositifs d'aide à l'investissement locatif, qui coûtent cher au contribuable, contribuent probablement à la hausse des prix de l'immobilier, et n'ont que peu ou pas d'effet sur le niveau des loyers.

Contre. D'une façon générale, les politiques consistant à administrer les prix des biens ou des services ont des conséquences à moyen terme opposées à celles visées, car elles ont tendance à raréfier l'offre en dissuadant l'investissement.

Conclusion. Une modération pérenne des loyers ne peut résulter que d'une modération du coût de l'immobilier. Cette modération suppose d'une part une augmentation de l'offre en rapport avec celle de la demande, donc des politiques (notamment urbaines) favorisant la construction de logements, et d'autre part une limitation de la spéculation immobilière. Sur ce dernier point, sans doute le plus difficile, je n'ai pas la solution. Mais je pense que les dispositifs fiscaux favorisant les propriétaires (dispositifs défiscalisants de type "Scellier", exonération de la résidence principale de taxation sur les plus-values, droits de succession réduits, etc.) contribuent à cette spéculation, et devraient donc être supprimés ou au moins réduits.
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"13. Pour aider les jeunes adultes à se loger et à se soigner afin qu’ils réussissent leurs études, nous créerons une allocation d’étude sous condition de ressources."
Note. 5/10

Pour. Il est juste que l'Etat aide financièrement les jeunes sans ressources et dont les parents n'ont pas les moyens de les aider à poursuivre des études.

D'une façon générale, il est souhaitable de conditionner les aides publiques au niveau de revenu.

Contre. Il existe déjà des systèmes de bourses et d'allocation diverses pour les jeunes étudiants. Cette allocation supplémentaire est-elle réellement une priorité pour l'utilisation de l'argent public ? Est-ce que cette allocation va réellement toucher les jeunes qui en ont le plus besoin ?

Conclusion. Pourquoi pas, mais je n'ai pas suffisamment d'éléments pour avoir un avis motivé sur la question.
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"14. Pour que l’égalité salariale femme-homme devienne une réalité, nous en ferons une condition pour conserver des exonérations de cotisations patronales."
Note : 8/10

Pour. Comment être contre l'égalité salariale hommes-femmes à travail égal ? Une pénalisation financière des entreprises en cas de non-respect de cette règle est un des moyens pour la faire avancer.

Contre. Attention à ne pas pénaliser excessivement les petites entreprises, qui peuvent avoir besoin de temps pour s'adapter.

Conclusion. Oui, sous réserve des modalités d'application.
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"15. Pour une plus juste répartition des richesses au bénéfice des salariés, nous organiserons une conférence salariale annuelle tripartite et engagerons un rattrapage du smic. Nous limiterons les rémunérations abusives : rémunérations variables n’excédant pas la part fixe, écarts de rémunérations de 1 à 20 maximum dans les entreprises à participation publique, présence des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance et les comités des rémunérations."
Note : 4/10

Pour. Le SMIC à son niveau actuel ne permet que difficilement de vivre décemment : on ne peut pas considérer cela comme normal dans un pays riche. Il faut faire en sorte que les salaires les plus bas soient relevés.

Par ailleurs, l'écart entre les rémunérations les plus élevées et les moins élevées ne cesse de s'accroître et a atteint un niveau très excessif.

Le niveau excessif des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises est notamment la résultante d'un système dans lequel les décideurs sont eux-mêmes les bénéficiaires des décisions qu'ils prennent en matière de rémunération, avec une quasi inexistence de contre-pouvoirs. Le petit nombre de personnes concernées fait que l'impact sur les comptes de l'entreprise est négligeable : il n'y a donc pas de véritable régulation. Comme toutes les grandes entreprises fonctionnent plus ou moins de la même façon, il se crée une sorte de bulle spéculative des rémunérations des dirigeants, qui se justifient en se comparant à leurs pairs et réciproquement, en une forme d'échelle de perroquet.

Il est nécessaire de développer les contre-pouvoirs et les garde-fous pour ramener progressivement ces rémunérations à des niveaux raisonnables, c'est-à-dire acceptables par les salariés et les citoyens. La présence des salariés dans les comités de rémunération de toutes les grandes entreprises devrait contribuer à une plus grande transparence et à limiter le caractère excessif de certaines rémunérations.

Contre. Attention à ne pas pénaliser les pettes entreprises par une hausse trop rapide du SMIC.

Une limitation par la loi des rémunérations, qui plus est dans les seules entreprises à participation publique, serait la plus mauvaise des solutions au problème des rémunérations excessives :
- elle ne traiterait pas le problème au fond, puisqu'elle ne concernerait que les entreprises à participation publique, donc une petite minorité d'entreprises, sans aucun caractère d'exemplarité pour les autres entreprises
- dans le monde ultra-compétitif qui est, qu'on l'aime ou non, celui d'aujourd'hui, elle conduirait inévitablement à appauvrir très rapidement les entreprises concernées : dès lors que leurs pratiques de rémunération pour les dirigeants s'écarteraient des standards pratiqués sur le marché du travail, elles perdraient leurs dirigeants actuels, et n'attireraient plus les meilleurs talents.

C'est donc l'ensemble des salariés des entreprises concernées qui en subiraient les conséquences négatives, sans aucun bénéfice pour eux.

Conclusion. Une remontée progressive du SMIC est souhaitable, en veillant à ce que cette augmentation soit supportable par les petites entreprises.

Le problème du niveau excessif de certaines rémunérations est réel. Il doit être traité globalement : toute tentative de traitement au niveau d'un seul pays, a fortiori de quelques entreprises d'un seul pays, est vouée à échouer. La solution ne peut pas être celle proposée par le PS, qui aurait infiniment plus d'inconvénients que d'avantages et ne traiterait aucunement le problème. Une réforme de la fiscalité est sans doute un des instruments à mettre en oeuvre. Les évolutions déjà engagées en matière de transparence, qui ont déjà produit quelques effets, en sont un autre.
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"16. Pour les retraites, nous rétablirons l’âge légal à 60 ans et nous engagerons la réforme des retraites promise aux Français, fondée sur des garanties collectives, permettant des choix individuels et assurant l’avenir des régimes par un financement du premier au dernier euro. Pour organiser sa vie, chaque Français disposera d’un compte temps-formation."
Note : 7/10

Pour. Toute augmentation de l'âge de la retraite accroît l'inégalité entre les plus favorisés, qui ont à la fois une durée de vie plus longue et un travail moins pénible, et les moins favorisés. Une diminution de l'âge minimal de la retraite est donc une mesure de justice sociale, à condition que le montant de la retraite soit suffisant.
Le retour à l'âge de 60 ans pour le droit à la retraite est une mesure symbolique, et il faut des symboles. Celui-ci porte sur une mesure emblématique des "années Mitterrand".

L'idée sous-jacente est que le progrès économique rend possible une réduction de la durée globale de travail par rapport à la durée de vie, ce qui n'est pas absurde a priori.

Contre. Accroître la durée relative de la retraite par rapport à la durée de vie totale aurait un coût : il faudra donc que le PS précise comment elle sera financée, et/ou quelles seront les contreparties.

La mesure pourrait susciter des espoirs qui seront in fine déçus, car on ne voit pas comment la pension servie à 60 ans pourrait être égale à celle servie à 62 ans pour tous les salariés.

Une évolution en sens inverse de celle de nos partenaires européens pose question.

Conclusion. Donner aux salariés plus de choix pour arbitrer entre l'âge de départ à la retraite et le niveau de la pension va dans le bon sens. La mesure ne sera socialement juste et économiquement acceptable que si, en pratique, elle est ciblée sur les moins favorisés en termes de niveau de salaire et de pénibilité du travail, et ne se traduit pas pour eux par une diminution des pensions. Plus généralement, il faudra que les conséquences de cette mesure soient évaluées et expliquées de façon complète et transparente.

(propositions suivantes)

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