vendredi 1 avril 2011

Quelques atomes de réflexion ...

... sur l'énergie en général et l'énergie nucléaire en particulier (3).

L'énergie parfaite (sûre, bon marché, sans dommage pour l'environnement) existe-t-elle ?

• Il y a un large consensus sur l'intérêt pour la collectivité des économies d'énergie. Il est douteux néanmoins qu'une croissance suffisante pour revenir à des taux de chômage acceptables partout dans le monde soit compatible avec une réduction de la consommation d'énergie : il faudra donc bien produire davantage, et pour longtemps encore, malgré les efforts considérables déjà réalisés et ceux qui restent à réaliser pour réduire les consommations tout en améliorant le bien-être des gens.

• La demande d'électricité en particulier va donc continuer à progresser. Si l'on veut par ailleurs réduire les émissions de gaz à effet de serre, il n'y a donc pas d'autre choix que de développer les moyens de production d'électricité en privilégiant ceux qui émettent peu de CO2. A défaut, le développement de véhicules électriques, par exemple, loin de réduire les émissions de CO2, les accroîtrait de façon considérable.

• Quand on compare les coûts de l'électricité produite par différents moyens, il faut prendre en compte non seulement le taux d'utilisation moyen de l'équipement considéré (plus le taux d'utilisation est bas, plus le coût par unité produite est élevé, à coûts d'investissement et d'exploitation identiques), mais aussi l'adaptabilité des périodes de production à celles de consommation. La valeur d'un kWh produit varie considérablement entre une heure de faible consommation et une heure de pointe. Par ailleurs, du fait du caractère non stockable à grande échelle de l'électricité, le coût de production des moyens "aléatoires" (éolien, solaire, hydraulique dans une certaine mesure) doit prendre en compte les coûts induits par la nécessité de mettre en place d'autres moyens de production (centrales thermiques en particulier), qui ne produiront pas lorsque le vent soufflera ou que le soleil brillera, mais qui resteront capables de les suppléer lorsqu'ils font défaut.

• Le graphique ci-dessous donne quelques ordres de grandeur des coûts de production de l'électricité en fonction de la technique employée.

Coûts de production d'électricité (Euro/MWh)

 Ces chiffres doivent être considérés avec beaucoup de précautions :
  • ils ne sont que des ordres de grandeur
  • ils ne prennent pas en compte le caractère aléatoire de la production non thermique (éolien, solaire, hydraulique)
  • ils sont susceptibles d'évoluer fortement dans le futur, soit à la hausse du fait de contraintes d'environnement ou de sécurité plus sévères, soit à la baisse du fait des progrès techniques.
• Les moyens de production qui semblent les plus acceptables, ou les moins dommageables, d'un point de vue environnemental, sont aussi les plus coûteux. En attendant que les progrès techniques en réduisent très significativement les coûts - ce qui, par exemple pour le solaire, va probablement prendre très longtemps -, ou que le resserrement des contraintes environnementales accroisse suffisamment le coût des autres sources, leur développement ne peut résulter que de leur subventionnement par la collectivité. Jusqu'à quel point les citoyens sont-ils prêts à payer pour cela ? La volte-face récente des gouvernements européens sur le subventionnement massif des producteurs d'énergie solaire traduit la difficulté de la question.

• Aucun des moyens de production n'est sans risque. Aucun non plus n'est exempt d'impacts majeurs sur l'environnement : pensons aux impacts environnementaux des installations géantes de production hydraulique construits ou en cours de construction en Chine ou au Brésil, aux débats sur la production des gaz de schiste, aux impacts visuels des éoliennes, aux émissions de CO2 résultant de la combustion du charbon, .... La société française accepterait-elle aujourd'hui la construction de la retenue de Serre-Ponçon ?


• La "meilleure" énergie n'existe pas non plus : certaines sont moins chères, d'autres plus sûres, d'autres moins dommageables à l'environnement, et il n'existe pas de critère absolu (c'est-à-dire partagé partout et par tous) qui permettrait de les classer. Un panachage est non seulement inévitable (du fait des limitations économiques et techniques) mais aussi souhaitable, parce qu'il est aussi une assurance contre une défaillance systémique majeure de l'une des sources de production. Ce panachage doit évoluer constamment en fonction des progrès techniques à tous les niveaux de la chaîne de production.

• Pour ce qui concerne la France, le fait que sa consommation d'électricité repose à près de 80% sur une seule source, en l'occurrence le nucléaire, constitue une fragilité évidente. Même si in fine ce choix s'avère avoir eu des conséquences positives pour le pays, c'était un mauvais choix parce que trop risqué. La France doit impérativement diversifier son parc de production d'électricité en réduisant la part de nucléaire. Il y faudra plusieurs décennies. Mais il faut aussi évaluer la diversité du parc de production au périmètre européen, et renforcer la résilience du système électrique européen en améliorant les interconnexions entre les pays (au prix de dommages environnementaux, qu'on doit chercher à limiter mais que, malheureusement, on ne pourra pas éviter totalement). Il n'est pas absurde, par exemple, qu'il y ait plus de nucléaire en France, plus de charbon en Allemagne, plus d'hydraulique et d'éolien en Espagne ..., à condition que ces choix soient raisonnés et assumés non seulement individuellement par chacun des pays concernés, mais aussi collectivement par l'Union européenne.

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