samedi 29 octobre 2011

Hollande : 8 erreurs majeures à éviter



François Hollande a gagné la première bataille, la primaire du PS. La deuxième sera moins facile : ce sera celle de 2012. Et la troisième, s'il franchit cet obstacle, sera bien entendu la plus difficile, et celle qui importe vraiment : ce sera celle du prochain quinquennat.

Il doit maintenant dire où, et comment, il entend conduire la France.

Parmi les thèmes évoqués soit par lui-même, soit par les autres candidats au cours de la campagne des primaires, j'en ai retenu huit sur lesquels il devra, pour réussir, éviter de commettre des erreurs majeures, soit en paroles, soit en actes.

1. L'Europe
2. L'anti-mondialisme
3. La "sortie du nucléaire"
4. L'impôt sur le revenu
5. La fiscalité du patrimoine
6. La fiscalité des entreprises
7. L'enseignement
8. Le contrôle des banques
9. Pour conclure


1. L'Europe

L'Europe est devenue pour le PS en général, et pour François Hollande en particulier, un sujet difficile. Personne n'a oublié le référendum sur la Constitution européenne de 2005, la position prise par le PS, sous la direction de François Hollande, en faveur du oui, les soubresauts internes au PS, et la victoire finale du non. Du coup, on évite de parler d'Europe, pour ne fâcher personne.

Et pourtant il est impératif, et urgent, de convaincre les Français que, dans le monde de demain, la France est bien trop petite pour compter. Que l'Europe est la chance, unique, de tous les peuples qui la composent, pour qu'ils puissent, ensemble, constituer une puissance capable de parler d'égale à égale aux Etats-Unis et à la Chine. Et qu'on ne construira pas une Europe forte et durable tant que les pays membres n'accepteront pas de renoncer à une part de leur souveraineté, tant économique - la crise actuelle le montre à l'évidence - que politique.

Le PS défend par exemple l'idée que l'Europe devrait émettre des "euro-bonds", des obligations garanties collectivement par l'ensemble des pays de la zone euro. Pourquoi pas ? Mais il serait tout simplement irresponsable de le faire - et c'est ce que dit notamment, à juste titre, l'Allemagne - sans avoir préalablement défini les instruments qui permettront à cette même Europe d'imposer les disciplines nécessaires à l'ensemble des Etats qui la composent.

Le prochain président devra redonner aux Français une vision positive de l'Europe, une véritable envie d'Europe, comme ont su le faire dans le passé François Mitterrand et Jacques Delors. Les prochaines semaines diront si François Hollande est capable de ressusciter ce souffle, qui suppose évidemment une alliance et une convergence forte avec l'Allemagne, ou s'il continue à suivre la ligne de plus grande pente consistant à montrer du doigt la paille dans l'oeil allemand, sans voir la poutre qui est dans le sien.

Gouverner, c'est choisir. Sur la question de l'Europe, François Hollande devra, s'il veut s'imposer, choisir entre Mitterrand et Mélenchon.


2. L'anti-mondialisme

Arnaud Montebourg s'est offert son moment de célébrité, avec ses 17% de voix à la primaire socialiste et son discours sur la dé-mondialisation.

Au-delà de la posture qu'il a prise sur ce thème, la tonalité xénophobe de certains discours qu'on trouve dans son blog (discours qui ne sont, il faut le dire, pas très différents de celui d'une Marine Le Pen) a quelque chose d'effrayant. Et lorsque François Hollande s'alarme, ces jours-ci, de la possible participation chinoise au Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) en présentant l'"empire économique chinois" comme une grave menace pour l'économie européenne, il participe de ce même discours populiste et outrageusement simpliste, qui ne peut qu'encourager les tendances isolationnistes et xénophobes d'une société française qui n'a plus confiance en elle.

Sur le plan électoral, c'est sûr, l'anti-mondialisme peut payer.

Pourtant, sur le plan économique, c'est indubitablement une sottise. La mondialisation de l'économie, c'est d'abord le résultat du progrès technique, et c'est une formidable opportunité : de croissance pour les entreprises exportatrices, dans les pays développés aussi bien que dans les émergents ; d'amélioration du niveau de vie des gens, par la baisse des prix dans les pays importateurs, par la croissance dans les pays exportateurs.

Bien entendu, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas, en même temps, une guerre économique, et qu'il faudrait se laisser faire. Nous devons, bien sûr, veiller à défendre à court terme nos industries et nos emplois. Nous devons, bien évidemment, négocier, échanger, être dans un mode de "donnant-donnant", comme dirait Ségolène Royal. Simplement, la mobilisation des énergies dans le bon sens suppose qu'on voie dans la mondialisation une chance au moins autant qu'une menace.

Enfin, sur le plan des valeurs, le discours de dé-mondialisation est un formidable reniement. La posture anti-mondialiste d'une partie de la gauche est à l'opposé de ses valeurs historiques que sont l'universalité, la solidarité entre les peuples, l'internationalisme, le progrès pour tous ...

Il faut cesser de considérer la mondialisation comme une malédiction contre laquelle on devrait se protéger en dressant d'illusoires lignes Maginot. Ce discours est destructeur, économiquement, politiquement et moralement.

Car la vraie menace, c'est le protectionnisme et le repliement sur soi. Il faut remettre la France dans une posture conquérante, et expliquer sans relâche que la mondialisation est une chance pour elle, pour l'Europe et pour l'ensemble du monde ; que nous gagnerons si nous savons exploiter nos talents et nos savoir-faire ; que la dé-mondialisation serait un jeu mortifère dans lequel il n'y aurait que des perdants ; qu'on ne doit pas être naïf, mais qu'on ne doit pas non plus avoir peur.

Sur le sujet, voir ici un intéressant point de vue d'un sociologue et économiste du XIXème siècle, Jacques Nowicov.


3. La "sortie du nucléaire"


La part de l'électricité nucléaire en France (près de 80% de l'électricité consommée) est excessive. C'était vrai avant Fukushima, cela le reste après.

Elle est excessive tout simplement parce que le bon sens doit conduire - aurait dû conduire - à ne pas mettre tous nos oeufs électriques dans le même panier atomique. Pour sa sécurité énergétique, la France doit diversifier davantage son parc de production d'électricité : il faut que la politique énergétique ait désormais pour objectif d'accroître cette diversité, et donc de réduire la part du nucléaire.

Faut-il pour autant que la France se donne comme objectif de "sortir du nucléaire", comme le demandent les écologistes ? Ce serait, à mon sens, une erreur aussi grave que la politique du "tout nucléaire" du passé.

Quelles que soient les incantations, quelles que soient les politiques, et quels que soient les progrès techniques, les centrales nucléaires existantes ne vont pas disparaître dans les vingt ni même les quarante prochaines années. Ni en France, ni ailleurs dans le monde. Et de nombreux pays vont continuer à en construire de nouvelles, tout simplement parce qu'ils auront jugé que c'était pour eux le meilleur choix, voire le seul. La part de l'électricité produite dans le monde à partir du combustible nucléaire va augmenter dans les prochaines années, c'est une quasi certitude (voir par exemple ce qu'en dit Mohamed El-Baradei, l'ancien secrétaire général de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique).

Le risque nucléaire n'est donc pas près de disparaître, ni du territoire français ni, encore moins, de la planète.

Pour la sécurité de ses citoyens, la France doit donc impérativement continuer à former des ingénieurs nucléaires de très haut niveau. Parce qu'elle est l'un des pays les plus avancés en matière de technologie - et donc de sûreté - nucléaires, elle a aussi une responsabilité vis-à-vis de l'ensemble des pays qui souhaitent développer cette technologie avec le plus haut niveau de sûreté.

Prendre aujourd'hui la décision de "sortir du nucléaire" conduirait immanquablement à un affaiblissement de la filière nucléaire française - on observe déjà une baisse du nombre des ingénieurs des grandes écoles qui choisissent cette filière. Cet affaiblissement ne peut avoir pour effet que de réduire le rythme d'amélioration de la sûreté des installations existantes comme des nouvelles installations dans le monde, amélioration qui doit pourtant être la priorité des priorités.

Voilà donc une décision qui, si elle était mise en oeuvre, bien loin de réduire le risque nucléaire, aurait pour effet de l'aggraver. Sans compter, bien sûr, ses conséquences économiques à coup sûr très négatives, et ses conséquences environnementales probablement négatives également - il faut aller dans le Nord de l'Allemagne voir ce que sont vraiment des champs d'éoliennes ... (Sur les questions que posent le nucléaire et les énergies alternatives, voir aussi ici).

François Hollande a évité, pour l'instant, de tomber dans ce piège. Nous verrons s'il est capable de tenir.


4. L'impôt sur le revenu


La fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu fait apparemment partie du catéchisme du PS. Mais je crains que cette fusion n'engendre surtout la confusion.

L'objectif affiché est de rendre l'impôt sur les revenus plus juste, en réintégrant dans l'assiette de cet impôt progressif l'ensemble des revenus, et donc en particulier ceux qui, pour une raison ou une autre, y échappent en tout ou en partie aujourd'hui. De cette façon, on corrigerait, selon les promoteurs de cette idée, l'anomalie que constitue la dégressivité de l'impôt sur le revenu pour les plus riches.

Je partage l'idée que l'impôt doit être progressif jusqu'en haut de l'échelle des revenus. Je partage aussi l'idée que les revenus du capital devraient être taxés de la même façon que ceux du travail.

Mais je crois aussi que, pour qu'une réforme fiscale soit acceptable, il faut qu'elle soit compréhensible, c'est-à-dire que chacun sache précisément pourquoi et comment le système change, pour soi-même et pour les autres. Il faut aussi qu'elle soit maîtrisée, c'est-à-dire que le gouvernement soit capable d'en mesurer très précisément les effets sur chacun, et de s'assurer que ces effets sont conformes aux objectifs de la réforme. Il faut donc qu'elle soit simple, tant à expliquer qu'à mettre en oeuvre.

Malheureusement, la fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu serait très probablement à la fois incompréhensible et d'une complexité de mise en oeuvre telle que les problèmes seraient innombrables et sans doute, pour nombre d'entre eux, insolubles.

Il serait à mon sens d'autant plus absurde de se lancer dans cette entreprise qu'il existe des solutions très simples pour rendre le système fiscal actuel plus juste : intégrer la totalité des revenus du capital dans l'assiette de l'impôt sur le revenu en supprimant l'imposition forfaitaire, plafonner l'ensemble des niches fiscales (après avoir fait le tri, et éliminé les inutiles), réformer la fiscalité des plus-values de façon à l'aligner sur celle des revenus (voir aussi ici pour d'autres considérations sur la fiscalité).


5. La fiscalité du patrimoine

On a peu entendu les socialistes sur l'impôt de solidarité sur la fortune. On a pu néanmoins constater, lors du débat parlementaire sur la réforme de l'ISF décidée par le gouvernement Fillon, que les socialistes avaient refusé de voter l'amendement du député UMP Marc Le Fur, qui proposait de mettre fin à l'exonération dont bénéficient les oeuvres d'art.

Pourtant cet impôt n'a à peu près que des inconvénients : il ne corrige que très partiellement, voire aggrave dans certains cas, l'insuffisante progressivité de l'impôt sur le revenu ; il fait l'objet de quantité d'exonérations le plus souvent injustifiées voire scandaleuses - notamment celle des oeuvres d'art, ou celle des investissements dans les PME ; enfin, son rendement est très faible.

Et la dernière réforme décidée par le gouvernement Fillon, en introduisant des effets de seuils totalement ridicules, n'a rien arrangé.

La nécessité dans laquelle se sont trouvés tous les gouvernements, de droite comme de gauche, d'introduire quantité d'exonérations à cet impôt, montre de façon évidente qu'il est totalement inadapté.

Le bon sens et la rationalité économique voudraient donc qu'on supprime cet impôt, dans le cadre d'une réforme plus générale de la fiscalité du patrimoine, qui devrait toucher non plus la détention du patrimoine, mais son acquisition gratuite (par don ou succession) et les plus-values qu'il dégage.

Je doute que François Hollande ait ce courage - à supposer qu'il en ait envie.

A défaut, il serait bien inspiré de corriger les anomalies les plus flagrantes de cet impôt, en maintenant un taux bas, en rétablissant un système de tranches assurant une progressivité raisonnable, et en mettant fin à la scandaleuse exonération des oeuvres d'art.


6. La fiscalité des entreprises


Sur la fiscalité des entreprises, le PS a eu une idée qui semble partir d'un bon sentiment : taxer plus les entreprises qui distribuent des dividendes, taxer moins celles qui réinvestissent leurs bénéfices. Autrement dit, faire subventionner les entreprises qui investissent par celles qui distribuent des dividendes (en oubliant, au passage, que ces dernières investissent certainement au moins autant que les premières).

L'idée, j'imagine, est à la fois de "punir" les mauvaises entreprises qui versent des dividendes, et d'encourager l'investissement en détaxant les autres.

Ce sont, à mon sens, deux mauvaises idées.

Les dividendes, c'est une partie de ce que l'entreprise a gagné. Il appartient donc, distribué ou pas, aux actionnaires. Il est donc absurde de stigmatiser les dividendes. Si les actionnaires, plutôt que réinvestir le bénéfice dans leur société, préfèrent l'investir dans d'autres entreprises, il serait antiéconomique, et donc préjudiciable à la collectivité, de les en dissuader (ce qui n'empêche pas d'encourager par ailleurs, par des moyens adaptés, les investissements en France).

Le versement de dividendes est l'un des moteurs de l'économie, et un moyen de créer du pouvoir d'achat. Par ailleurs, si on considère - ce que je crois - que les dividendes ne sont pas suffisamment taxés, notamment pour les plus hauts revenus, c'est le régime de taxation de ces dividendes qu'il faut modifier, au lieu de "punir" les entreprises qui le distribuent, au risque de les inciter à aller gagner de l'argent ailleurs qu'en France.

Réduire sans discernement l'impôt des entreprises qui réinvestissent est une deuxième mauvaise idée. D'abord, c'est une nouvelle niche fiscale : est-ce le moment d'en créer, alors qu'il s'agit aujourd'hui bien plutôt de leur faire la chasse ? Je n'ai rien par principe contre les réductions d'impôt, pour autant qu'il soit démontré qu'elles bénéficient à la collectivité, et qu'elles ne créent pas d'effets d'aubaine excessifs. Or la mesure envisagée est typiquement de celles qui créent de tels effets d'aubaine : la plupart des entreprises qui investissent n'ont pas besoin de cadeaux fiscaux pour le faire. Cette réduction d'impôt aurait donc probablement un impact très limité sur l'investissement, mais constituerait un cadeau inespéré pour la plupart de ses bénéficiaires.

Un aide ciblée aux investissements qui le justifient serait sans aucun doute une mesure très largement préférable à une réduction générale de l'impôt telle que le propose le PS.

Quant au fait que les grandes entreprises paient proportionnellement moins d'impôt sur les sociétés en France que les petites, les règles étant les mêmes pour toutes, il faudrait, avant de s'en offusquer, en comprendre - et en expliquer - les raisons. Et s'assurer que le remède ne serait pas pire que le mal ...


7. L'enseignement


On le sait, l'enseignement français est malade : il remplit de moins en moins bien sa double mission de formation et d'intégration sociale. Il n'y a guère que l'enseignement supérieur d'excellence qui reste performant.

François Hollande propose, si on a bien compris, de recruter 60 000 enseignants supplémentaires. Voilà le type même de la mauvaise réponse à une question mal posée. On est exactement dans la même logique, en sens inverse, que celle qui consiste à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite. C'est une logique d'apothicaire doublée d'électoralisme primaire. Une logique qui oublie, tout simplement, de poser les bonnes questions.

Je n'exclus pas a priori qu'il soit nécessaire, et qu'il soit possible, de dépenser 2 milliards de plus par an pour l'éducation : c'est une question de priorité. Mais qu'est-ce qui permet de penser que la meilleure façon de dépenser cet argent soit de multiplier le nombre d'enseignants ? Ne serait-il pas préférable, par exemple, de l'investir dans la formation des enseignants, la revalorisation de leurs rémunérations, l'amélioration des installations, que sais-je ?

Faire plus de sport, développer la culture à l'école, réduire, là où c'est nécessaire, les effectifs des classes, comme le propose Manuel Valls : c'est bien, sans doute. Mais est-ce vraiment à la hauteur de ce dont l'école française, et avec elle la société française, a besoin ?

Il faut, avec les enseignants, lancer un grand chantier de rénovation en profondeur de l'école. Il faut que le métier d'enseignant redevienne attractif - ce qui passe évidemment par une revalorisation de leur rémunération, avec des contreparties à définir. Il faut redéfinir ce que la société attend de l'école, et le faire partager à l'ensemble des citoyens - et notamment aux parents. Il faut que les enseignants soient mieux formés. Il faut développer le rôle des technologies modernes dans l'enseignement. Il faut développer les instruments de mesure de la performance de l'enseignement. Il faut aussi, comme le dit Ségolène Royal, redonner aux enfants l'envie d'aller à l'école, et d'abord aux moins favorisés. Il faut ... La liste est trop longue pour tout citer ici.

On attend de François Hollande, plutôt que des incantations, des promesses de postes, ou la nième réforme des programmes ou des horaires, qu'il ait le courage d'engager ce grand chantier, qui est probablement la première des urgences. Même s'il faudra pour cela bousculer beaucoup de conservatismes.


8. Le contrôle des banques

Le discours à la mode, chez les politiques de tous bords, consiste à attribuer aux banques, aux banquiers et aux agences de notation la responsabilité de tous nos maux. Il suffirait donc, pour résoudre les problèmes et éviter leur reproduction, que l'Etat prenne le contrôle des banques, en siégeant à leur Conseil d'Administration et en y disposant d'un droit de veto, comme le propose Arnaud Montebourg.

De la part des hommes politiques au pouvoir, on ne peut effectivement pas attendre qu'ils reconnaissent que la crise est d'abord la conséquence de leur absence de vision et de courage, bien avant d'être celle du système financier qui les a soutenus ou encouragés dans cette voie.

Mais François Hollande semble partager cet avis, expliquant dans sa réponse à la lettre d'Arnaud Montebourg que " les responsables de la crise actuelle, [ce sont] les banques et le système financier ".

Au passage, on peut s'étonner de ce que, disant cela, il exonère le gouvernement en place de cette responsabilité.

Mais à force de vouloir faire croire que tout est la faute du système financier, et qu'ils suffirait de "reprendre le contrôle politique du système financier", comme le dit encore François Hollande, pour que tout aille mieux, nos politiques, droite et gauche confondues, risquent de finir par le croire eux-mêmes. Et c'est là que ça devient dangereux.

On sait, au moins depuis Montesquieu, que la séparation des pouvoirs est l'une des conditions du maintien des libertés individuelles. Le pouvoir financier est, comme tous les pouvoirs, dangereux s'il est exercé sans contrôle. Mais il est aussi, dans le même temps, l'un des contre-pouvoirs du pouvoir politique - la réciproque est évidemment vraie. Il est donc sain qu'il puisse effectivement fonctionner comme un contre-pouvoir, et donc de façon indépendante, le pouvoir politique ayant quant à lui la responsabilité de définir les règles et les instruments de contrôle.

La situation actuelle est une illustration évidente de l'utilité de ce contre-pouvoir : n'en déplaise aux bonimenteurs, les agences de notation, parce qu'elles sont indépendantes des pouvoirs politiques, ont pu dire que le roi était nu. Elles l'ont dit trop tard, sans doute, mais elles l'ont dit, et il fallait que quelqu'un le dise. Croit-on qu'une agence de notation contrôlée par les pouvoirs politiques aurait eu cette liberté ou ce courage ? et que nous ne serions pas aujourd'hui en train de nous enfoncer encore davantage dans la crise ?

Des réformes du système financier sont sans doute nécessaires. Il faut certainement renforcer les pouvoirs des autorités de régulation, et le faire au niveau au moins européen. La séparation des banques de dépôt et des banques d'investissement est peut-être souhaitable. Mais l''Etat, lui, doit consacrer toute son énergie et son intelligence à fixer les règles. Car laisser l'Etat gérer lui-même l'économie ou la finance, c'est comme infiltrer des policiers dans les réseaux mafieux : ça semble intelligent au début, et ça finit toujours par mal tourner.


9. Pour conclure

L'heure de vérité approche pour François Hollande. Il a su, jusqu'à présent, avancer et gagner sa place en finale grâce à sa virtuosité dans l'art de la synthèse et du non-dit. S'il veut battre Nicolas Sarkozy, et conduire la France, il va maintenant devoir se découvrir, et exposer clairement le chemin et l'ambition qu'il propose pour la France. Il va devoir prendre le risque de déplaire, sur un certain nombre de sujets, à ceux qui l'ont soutenu.

Il lui appartient désormais de montrer qu'il a le caractère d'un homme d'Etat.


Sources : www.lemonde.fr ; www.arnaudmontebourg2012.fr

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