samedi 28 avril 2012

Hollande, malgré tout


Ce dimanche, il faudra choisir : Sarkozy, Hollande, ou l’abstention (ou le vote blanc ou nul, ce qui revient au même). Trois mauvais choix de mon point de vue – mais il faut choisir le moins mauvais des trois.
Le moins difficile, c’est d’éliminer le vote Sarkozy.
Pas vraiment à cause de son projet. C’est, si on laisse de côté la caricature qui en est souvent faite, un projet social-libéral : amendable, certes, mais raisonnablement acceptable (il faudrait bien sûr approfondir).
Pas à cause, non plus, de sa personnalité : je le crois responsable et soucieux de l’intérêt de la France, tout autant que ses prédécesseurs dans la fonction et que son adversaire, et bien plus, là encore, que sa caricature ne le laisse penser.
Pas à cause de ses "amis" : certes, il en a de riches, et de peu recommandables (les deux caractéristiques n'étant pas nécessairement liées) : mais ceux de François Mitterrand, pour prendre un exemple, l'étaient-ils moins (riches) ou plus (recommandables) ? Pierre Bergé ou Matthieu Pigasse, qu'on dit proches de François Hollande, le sont-ils moins, ou plus ? Cela empêche-t-il d'être un bon président ?
Pas à cause, enfin, de ses incohérences, en paroles, en actions et en omissions : et plutôt que de lui reprocher - pourquoi le faudrait-il ? - son activisme et son « omni-présidence »,  je lui fais le crédit d’avoir, profondément et avec obstination, tenté de moderniser la société française, qui en a tellement besoin (voir par exemple le rapport de la Commission sur la libération de lacroissance française, dite Commission Attali).
Non, ce qui m’empêche de voter Sarkozy, c’est tout simplement les valeurs implicites qu’il véhicule (car sur les explicites, qu'il s'agisse par exemple du travail, de la responsabilité, de l'autorité ou de la sécurité, pour prendre des exemples de valeurs souvent dites "de droite", je n'ai rien à redire).
Je l’ai dit ici, ce qui m’importe plus que les promesses qui ne seront de toute façon pas tenues, ce sont les valeurs que porte avec lui celui qui gouvernera la France, et qui la représentera. Et Sarkozy porte, bien qu'il s'en défende, les plus détestables : la stigmatisation des immigrés (cf. ses déclarations sur les Roms), le repli identitaire (cf. le lamentable débat sur l'identité nationale), le mépris de la solidarité, assimilée à l'assistanat et au parasitisme (cf. sa proposition de référendum sur les droits des chômeurs). J'ai bien aimé, sur ce sujet des valeurs, ce billet.
Caricature de BOD
Une fois Sarkozy éliminé, reste le choix entre Hollande et l'abstention.
Je n'ai pas d'opposition de principe à l'abstention (ou au vote blanc ou nul, qui lui sont strictement équivalents). Je revendique, pour moi comme pour tout citoyen, le droit à l'abstention, en tant que droit fondamental et au même titre que le droit de vote : j'irais même jusqu'à défendre l'idée que l'abstention est, parfois, un devoir.
Il n'est en rien illégitime d'être indifférent au choix entre l'un et l'autre des candidats. Il n'y a rien d'irresponsable, ni de moralement répréhensible, pour un citoyen, à laisser les autres choisir, dès lors que les deux candidats lui paraissent également éloignés de ses souhaits, et dès lors qu'aucun des deux ne constitue une menace sérieuse pour la démocratie. Et dans ce cas, l'abstention est la seule façon de donner un signe visible de ce rejet : il ne faut donc pas hésiter à user de ce droit chaque fois qu'on le croit raisonnable.
Alors pourquoi Hollande, à la fin ?
Je n'ai à peu près rien trouvé, chez François Hollande, qui me laisse penser qu'il sera un bon président pour la France (tout en espérant, du fond du cœur, me tromper).
Son projet ? En caricaturant (à peine), c'est un retour à 2007. Est-ce par une opération de pédalage rétrograde que la France va retrouver sa compétitivité, qui seule peut lui permettre de faire baisser, enfin, son taux de chômage ? que les Français vont retrouver l'envie de vivre et d'avancer ensemble ? que les électeurs de Marine Le Pen réaliseront qu'ils font fausse route en croyant que la stigmatisation des immigrés, surtout quand ils ont la peau foncée,  et le repli sur soi sont la solution à leurs problèmes ? Malheureusement, j'en doute.
Sa personnalité ? Bien sûr, c'est un homme de consensus plus que d'autorité, et il est des circonstances dans lesquelles ce n'est pas un défaut. Bien sûr, il a du bon sens et de la bonne volonté, et il comprend les choses et les gens. Bien sûr, un homme peut aussi se révéler lorsqu'il est au pouvoir. Mais a-t-il donné, à un moment quelconque, l'impression qu'il était capable de peser sur la réalité, de donner une direction, une orientation, à l'action, dans une situation aussi critique que celle dans laquelle nous sommes ? A-t-il laissé supposer qu'il saurait faire preuve de l'audace, et du courage, nécessaires ?
La campagne du François Hollande a été tout entière dans l'illusion, le déni de réalité, le refus de faire voir aux Français les choses et le monde tels qu'ils sont. Comme si la France était seule au monde.
Désigner "le monde de la finance" comme l'ennemi à abattre, c'est faire prendre aux citoyens des vessies pour des lanternes : car qui ne comprend que ce n'est pas contre le monde de la finance qu'il faudra demain remettre l'économie en marche, mais avec lui ?
Le courage, ça ne consiste pas à faire des moulinets en faveur de la croissance : la croissance, qui est contre ? Ca ne consiste pas à faire semblant de croire, et donc à faire croire, qu'on va par la seule magie du verbe reprendre le leadership en Europe. Ca ne consiste pas non plus à se dire européen, mais du bout des lèvres de peur d'être entendu, et en évitant soigneusement de dire comment on va faire avancer l'Europe.
Le courage ç'aurait été, par exemple, de dire aux Français que la France n'a d'avenir que dans et par l'Europe, et que cette Europe ne peut se construire qu'avec l'Allemagne et non pas contre elle, quels qu'en soient ses gouvernants ; qu'il va falloir se battre, et faire des sacrifices, pour retrouver une compétitivité qui n'a cessé de se dégrader depuis vingt ans ; que la croissance ne se décrète pas, pas plus qu'on ne la fabrique en se contentant de faire tourner la planche à billets sans réaliser en même temps les réformes structurelles nécessaires ; que la solidarité ne consiste pas seulement à faire payer les 0,1% les plus riches, mais à ce que les moyennement riches acceptent eux aussi les efforts nécessaires au bénéfice des plus pauvres.
Pour toutes ces raisons, j'ai été tenté par l'abstention : si je récuse Nicolas Sarkozy, je ne crois pas non plus que François Hollande soit le président qu'il faut à la France dans les circonstances présentes.
Et pourtant je voterai Hollande le 6 mai prochain.
Tout simplement parce qu'une abstention n'aurait pas été cohérente avec mon rejet des valeurs que porte implicitement le candidat Sarkozy. C'est suffisant pour que, tout bien réfléchi, je vote pour un mauvais candidat : peut-être François Hollande conduira-t-il la France dans le mur, mais je pourrai continuer à me regarder dans la glace.
Bien sûr, c'est un peu égoïste comme justification : mais c'est la seule que j'aie trouvée.

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