samedi 22 septembre 2012

François Hollande : 1ère évaluation trimestrielle

© Philppe Pouzaud, dit Grissôme

François Hollande n'avait pas été, jusqu'au printemps dernier, un sujet particulièrement brillant : il s'était surtout distingué, parmi ses camarades, par son sens de l'humour, et sa capacité à ne fâcher personne (à l'exception de son épouse, mais c'est une autre histoire).

Sa réussite au concours le plus prestigieux de la République (non, je ne parle pas de Normale, même s'il en a été beaucoup question dans la campagne, ainsi qu'en ville d'ailleurs, mais de l'élection présidentielle), a donc été, pour beaucoup, une surprise.

Du coup, on attend peu de lui : on ne pourra donc, au mieux, qu'être déçu en bien, comme disent nos amis suisses.

Le véritable adversaire de François Hollande n'est pas, comme il l'a dit un jour, la finance : son véritable adversaire, c'est lui-même. Le problème en effet, c'est qu'il n'a guère que deux solutions, compte tenu de la teneur de son oral au concours : soit faire ce qu'il a dit, ce qui, pour une grande part, ne serait pas particulièrement judicieux ; soit ne pas le faire, ou faire le contraire, et un certain nombre de gens lui en voudront. Pile tu gagnes, face je perds : c'est en résumé ce qui l'attend, en toute normalité, au prochain concours, dans cinq ans.

Même si le contrôle continu n'est pas la règle de fonctionnement de notre système démocratique, dans lequel seul l'examen final compte, j'ai eu envie, après son premier trimestre d'exercice(s), de faire une évaluation de son travail. Notée, comme il se doit, par matière, sur la base d'une grille de notation on ne peut plus personnelle.

Camaraderie : 10/20

·         Concernant les écolos, il fallait que François Hollande choisisse entre prendre des décisions raisonnables (sur Fessenheim ou sur le gaz de schiste) et les mettre en colère. Il a privilégié la camaraderie - mais en échange de quoi ? Si c'était en échange de leur soutien sur le vote du traité budgétaire européen, il s'est fait rouler dans la farine. Si c'était en échange de rien, c'est gentil mais c'est bêta. Un bon point donc de camaraderie - mais un mauvais point de naïveté ?

·         Côté Mélenchon et Front de Gauche, l'atmosphère fraîchit, notamment sur le traité budgétaire, malgré des efforts louables de François Hollande en matière d'anti-richisme (la taxation à 75%). Gare aux bagarres dans la cour de récré.

·         Du côté des riches, ce n'est pas le grand amour. Mais François Hollande maintiendra, sauf surprise, l'exonération d'ISF pour les œuvres d'art : une consolation, au moins pour certains. Et tant pis si la justice n'y trouve pas son compte.

·         Quant aux patrons, ça ne va pas trop. Menaces de racket (fiscal), soupçons de fuites (en Belgique), échanges de noms d'oiseaux ... il va falloir sérieusement améliorer tout ça. Car sans patrons, point d'entreprises, n'est-ce pas ? Et sans entreprises, point de croisssance, sans croissance point de travail, et sans travail, point de revenus, point de solidarité, et point de dignité ...

Construction (européenne) : 7/20

·         Un bon point : François Hollande, oubliant ses belliqueux discours de campagne, et sans se soucier de déplaire à nombre de ses camarades (voir Camaraderie), va faire ratifier par le Parlement le Traité budgétaire.

·         Un deuxième bon point : comme son prédécesseur, François Hollande met ses pas dans ceux d'Angela Merkel en matière de rigueur budgétaire et de gouvernance de la zone euro. Tout en travaillant, comme il savait si bien le faire au PS, à la synthèse entre les Allemands et les Italiens. Et en mettant une grosse sourdine à son attendrissement sur le sort des Grecs.

·         Mais un gros, un très gros, mauvais point : il n'a pas esquissé le moindre commencement de travail sérieux sur le chantier de l'Europe politique au-delà des rafistolages en cours (voir aussi sa mauvaise note en Dessein). Il serait temps qu'il s'y mette, de conserve avec l'Allemagne, en s'inspirant par exemple de sa camarade Elisabeth Guigou.

Dessein : 2/20

·         En Dessein Industriel, on n'attendait pas de miracle de toute façon, malgré les effets de manche de Montebourg (moins à l'aise, et pour cause, comme ministre de la République que comme candidat aux primaires socialistes).  On peine à croire (même si on veut bien l'espérer) que la nomination de 22 Commissaires au Redressement Productif aidera vraiment au dit redressement.

·         Quant au Dessein tout court, c'est vraiment la cata. Le néant. Pas la moindre ébauche d'un travail de fond, pas même une petite Commission, pour redonner à la France une perspective d'avenir , pour reprendre l'initiative dans la construction européenne, et surtout pour préparer les réformes structurelles qui permettraient au pays de cesser sa dégringolade dans les classements mondiaux de la compétitivité et dans ceux de l'efficience de la formation des jeunes et des adultes ...

Droit : 12/20

·         Un bon point sur le mariage homosexuel : François Hollande semble décidé à faire comme il a dit, et sur ce sujet il a raison.

·         Sur l'euthanasie, un premier pas a été fait, avec la création d'une Commission. Là aussi, François Hollande serait bien inspiré de faire comme il a dit. Affaire à suivre.

Instruction civique : 5/20

·         François Hollande s'est engagé à donner le droit de vote aux élections municipales à tous les étrangers résidant durablement en France (certains l'ont déjà, par exemple les Lituaniens, les Roumains, les Slovènes, mais pas, toujours par exemple,  les Algériens, les Marocains ni les Tunisiens). J'ose encore croire qu'il tiendra son engagement. Mais les 70 députés PS qui viennent de le lui rappeler n'ont pas l'air rassurés sur ce point. Et ce n'est pas Manuel Valls, ni le journal Le Monde, dont les discours sur le sujet rappellent étrangement ceux du non regretté M. Guéant, qui va les rassurer. Je mettrai 5/20, pour lui laisser une chance.

Education physique : dispensé

·         Dispense bienvenue : je crains fort que cette matière (facultative il est vrai) ne puisse guère contribuer à remonter sa moyenne.

Langues étrangères (et affaires du même nom) : 12/20

·         Pas de grosse faute, pas de contre-sens. Pas d'annonce intempestive, pas non plus d'initiative marquante (mais parfois ça vaut mieux). De la prudence avant toute chose. Passable.

Morale (non noté)

·         La baisse de la rémunération du Président est un beau geste du point de vue moral (même s'il ne s'agit, en l'occurrence, que d'argent de poche). Celle appliquée aux dirigeants des entreprises publiques l'est moins : il n'y a guère d'héroïsme à baisser les salaires de ses employés - sans parler des doutes que l'on peut avoir sur les effets bénéfiques de cette décision, car on se demande bien à qui ça peut faire plaisir, et encore plus à qui ça peut profiter.

·         Concernant le cumul, ou le non-cumul, des mandats, ça m'est assez indifférent (je ne suis candidat à rien). Je pense néanmoins que le non-cumul des rémunérations serait la moindre des choses - outre le fait qu'il réduirait peut-être l'incitation à cumuler les mandats. A suivre.

·         Plus généralement, il est encore un peu tôt pour donner une note dans cette matière, dont on sait qu'elle devient plus ardue à mesure que la durée de détention du poste s'accroît : il faudra voir à l'usage. Cependant l'épisode des indemnités parlementaires n'est pas de bon augure : les parlementaires du PS ont refusé de devoir rendre des comptes sur les frais pour lesquels ils touchent une indemnité exonérée d'impôt. Un peu comme si, dans une entreprise, on pouvait se faire rembourser des notes de frais sans justificatifs. La morale commence déjà à jouer l'élastique.

Sciences économiques et sociales (et fiscales) : 10/20

·         En maintenant, contre le lobbying puissant des riches, son projet de taxe à 75%, François Hollande a gagné son brevet d'anti-richisme (voir Camaraderie - il avait dit, jadis, qu'il n'aimait pas les riches, mais l'avait démenti plus tard, si bien qu'on ne savait plus très bien). A part ça, il n'en sortira rien de bon : ça ne rapportera rien dans les caisses de l'Etat, ça n'empêchera pas les pauvres d'être pauvres, ça n'empêchera pas non plus les rémunérations exorbitantes, dont les bénéficiaires se débrouilleront pour échapper au fisc français. Et ça aura principalement pour effet de creuser encore davantage le fossé entre les Français et les chefs d'entreprise. Bénéfice global de l'opération en termes de bien-être des gens : au mieux nul, plus probablement négatif. Zéro pointé.

·         L'augmentation de l'ISF n'est guère une meilleure idée, d'autant que les exonérations les plus choquantes (œuvres d'art en particulier) semblent devoir demeurer. Encore un zéro.

·         D'autres mesures vont dans le bon sens, comme le petit tour de vis bien venu sur la taxation des plus-values (mais pourquoi s'obstiner à exonérer la résidence principale, avec pour effet l'enrichissement des déjà riches et l'augmentation des prix ?), celle des dividendes et celle des successions et des donations, et la création d'une tranche supplémentaire à 45% de l'impôt sur le revenu.

·         L'augmentation du plafond du Livret A est un petit cadeau fiscal à la classe moyenne, qui devra de toute façon le rembourser par l'impôt. Un prêté pour un rendu. Une mesure pour rien.

·         Globalement, l'équilibre n'est pas bon entre les charges supplémentaires, en particulier celles qui pèsent sur les entreprises, et la baisse des dépenses publiques : trop des unes, pas assez des autres. Ni la compétitivité ni le pouvoir d'achat n'y trouvent leur compte. François Hollande et ses amis continuent à faire comme si la France était seule au monde, et comme si taxer les riches et les entreprises allait donner du travail aux chômeurs et rendre les pauvres plus heureux.

Sciences naturelles (et environnementales) : 6/20

·         Fermer Fessenheim est une décision évidemment absurde et contraire à l'intérêt général (voir Camaraderie), même si le coût de 2 milliards avancé par certains est peut-être exagéré.

·         Pour le moratoire de 5 ans sur la recherche de gaz de schiste, même motif, même punition (voir Camaraderie). Par charité, on ne s'étendra pas sur le paradoxe qu'il y a à refuser de chercher le gaz que nous avons peut-être sous nos pieds et à refuser en même temps de faire payer aux consommateurs le coût de celui que nous achetons aux Russes.

·         La tarification progressive de l'énergie est une bonne idée pour concilier justice sociale et incitation aux économies d'énergie. Reste à le faire sans que ça devienne une usine à gaz à laquelle personne ne comprendrait plus rien. Par exemple, difficile de comprendre pourquoi il faudrait à la fois faire baisser les prix (pour l'essence), ou les empêcher d'augmenter (pour le gaz ou l'électricité), et les augmenter, notamment par des taxes, pour inciter les gens à consommer moins ...

·         Economies d'énergie et énergies renouvelables: des intentions louables - mais l'enfer en est pavé. Doit persévérer, en évitant les dépenses inutiles. Un esprit chagrin pourrait dire que, sans la fermeture de Fessenheim, ça aurait fait 2 milliards de plus qu'on aurait pu leur affecter ...
 
Moyenne générale : 8/20. Pas brillant. S'il poursuit sur cette lancée, le risque est grand qu'il échoue à redoubler. Mais peut-il mieux faire ? C'est toute la question. A revoir à la prochaine évaluation.

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